Emile THIVIER
(1858-1922)
L'Académisme

"Un académique au temps des impressionnistes"

Saint Jean-Baptiste au désert
Huile sur toile    106 x 84 cm    Inv n°A1(A)

Présentée au Salon de 1880, il s'agit de la première toile célèbre d'Emile Thivier. Le sujet, biblique, convenant parfaitement au ton de la peinture académique du moment, ne laisse en rien présager des paysages éclatants de couleurs que l'artiste réalisera plus tard. Le fond sombre, bitumé, contribue à mettre en valeur le personnage, seul point important du tableau, dramatisé par un éclairage ponctuel et presque surnaturel. Tout au plus la petite touffe d'herbe du premier plan apporte-t-elle une note naturaliste, qui situe la scène en plein air.

Le Saint Jean-Baptiste qu'a choisi Emile Thivier est juvénile, inspiré d'un petit italien qui vint poser dans son atelier. Le corps agenouillé en prière constitue une très intéressante et habile académie d'homme. Le saint auréolé ne peut être précisément identifié que par la présence de la peau de chameau, qui dissimule sa nudité et symbolise sa retraite essénienne dans le désert de Juda.

Saint Jean-Baptiste au désert (1880)

L'ACADEMISME

Lorsque Emile Thivier expose son Saint Jean-Baptiste en 1880, l'Académie des Beaux-Arts organise les Salons depuis le XVIIIème siècle, avec une périodicité variable. Les artistes qui y étaient primés devaient avoir le pinceau sûr, précis et minutieux, tout empreint de culture classique.

Depuis sa fondation en 1667, l'Académie Royale s'enorgueillissait de former les peintres appelés à devenir "officiels". L'apprentissage obligatoire de l'Antiquité passait tant par la culture gréco-romaine que par la copie de marbres ou de moulages reproduits en abondance dans les locaux de l'Académie. La ligne était primordiale et la première qualité reconnue à l'artiste était la fidélité au modèle copié. Nulle place n'était faite à l'interprétation, seule comptait la représentation. C'est pourquoi Champfleury (adepte du réalisme), qualifiait ce style d'"école du calque". L'enseignement, jugé peu propice à la créativité, et l'assujettissement au goût royal puis impérial sonnèrent le glas de cette institution. En 1855, Courbet ouvre son propre espace d'exposition, en marge du salon officiel, le Pavillon du Réalisme. Dès lors, la voie est ouverte à tous les dissidents de la pratique académique : réalistes, impressionnistes ... En 1863, l'empereur lui-même crée le Salon des Refusés pour contrer la trop grande sévérité du jury.

La peinture d'Emile Thivier, qui suivit l'enseignement de professeurs très "officiels" comme Laugée (lui-même formé par Picot, maître de Bouguereau et Cabanel), est très marquée par l'académisme. De nombreux dessins de nus et des copies de sculptures antiques du Louvre attestent de cette formation classique. Il conservait d'ailleurs dans son atelier plusieurs moulages : buste de Laocoon, Hermès de Lysippe, Niobide ... Lorsqu'il enseignera la peinture à sa belle-soeur Marguerite Paing, il l'obligera à se plier à ces exercices avant de manier le pinceau. Les sources d'inspiration d'Emile Thivier, diverses, font écho à plusieurs mouvements de la peinture du XIXème siècle : la nostalgie du XVIIIème avec le Petit Marquis ou la Nature Morte, l'orientalisme avec Les Mercenaires, le symbolisme avec Caïn ...

L'académisme d'Emile Thivier se manifeste surtout dans le Saint Jean-Baptiste, Le Peintre et son modèle et dans le Portrait de M. Cendre. Dans ces trois oeuvres, en effet, il utilise le fond sombre, de rigueur pour mettre le sujet en valeur et le théâtraliser, sa touche est minutieuse, sa technique est parfaitement lisse. Très prisé dans la première moitié du XIXème siècle, ce style de peinture rencontra de plus en plus de détracteurs et en 1912, Apollinaire notait : "L'Académisme n'est pas à la mode", alors qu'Emile Thivier s'en réclamait toujours.



Expositon permanente
Chambre de Commerce et d'Industrie de l'Indre
24 Place Gambetta 36000 Châteauroux